Fragmento

(…)Pays lapidé dilapidé ruiné au blanc des os.

Pays des saintes misères et des luxes agaçants.

Pays des paradoxes inouïs et des contrastes insupportables.

Pays matelotage féroce à l’oblique du dehors et du dedans.

Pays cancan curiosité à travers la fente obscure de nos fantasmes érotiques.

Pays béance qui saigne à l’envers du silence.

Pays complicité pornographique des corps décapités.

Pays musique flûtée des langues coupées.

Pays tunnel en cul-de-sac.

Pays voyage tortueux des culs-de-jatte.

Pays carcan de nos servitudes et de nos tares séculaires.

Pays bossu de nos mirages insulaires.

Pays des connivences barbares entre l’eau et le feu.

Pays des alliances et des dissonances.

Pays des miracles époustouflants.

Pays promiscuité des beautés infernales et des laideurs sublimes.

Pays des horreurs esthétiques et des divines blessures.

Pays enchaîné supplicié au carrousel de la malédiction.

Pays subtil nageant moelleusement dans le silence velouté des pièges fascinants.

Pays perdu suspendu entre dièse et bémol.

Pays noyé dans la graisse d’un cauchemar millénaire.

Pays miroir soûlé miroir brisé dans le bordel des dieux paillards.

Pays fêlure assiette porcelaine vaisselle faïence dans l’antique zizanie des zombis somnambules et des ombres débraillées.

Pays folie qui passe et repasse en dansant nuit et jour dans mes rêves déraillés.

Un très étrange pays tuatoire.

Un grave pays repu de malheurs obèses et d’ordures pathétiques.

Frankétienne, Voix Marassas, 1998.

Gracias a Avel